Of Liberty Wind

Of Liberty Wind Chien-loup tchecoslovaque

Chien-loup tchecoslovaque

L'allée Flocky



Depuis combien de temps était-il là ? Il ne le savait pas, il ne le savait plus. Son esprit avait démissionné.  Il avait tout de même une certitude : plusieurs nuits interminables avaient succédées aux jours qui l’étaient tout autant. Il était là, seul, miséreux comme il ne l’avait jamais été de sa vie .Affamé, crotté, assoiffé également, fatigué, oui fatigué …presque épuisé ; il était désespéré ! Il regardait droit devant lui sans rien fixer vraiment ;  le regard vide ; comme en état de choc émotionnel ou de lassitude extrême. Son état de fatigue était perceptible. Au cours de ces derniers jours il n’avait ni bu ni mangé ni dormi. C’est tout juste s’il s’était surpris à somnoler quelques instants mais pas vraiment de quoi récupérer. D’ailleurs comment aurait il pu dormir dans cette situation ? Le sommeil demande du calme, de la relaxation, et de la sécurité. Pour lui c’était tout le contraire qu’il subissait: un état de stress et d’inquiétude permanent. Que faisait –il là en plein milieu de cette forêt ? Ce n’était pas sa place !!! Son esprit vagabondait….Il  se revoyait quelques années plus tôt….


  • Il se rappelait être né dans une vielle maison ; une grange plus exactement. Avec ses sept  frères et sœurs ; ils étaient parait il le fruit d’une relation amoureuse non programmée. En d’autres termes ; ils étaient nés d’un accident !!! Ils naquirent  sur de vieilles bottes de paille et ils y passèrent les premières semaines de leurs vies. Un jour, un couple accompagné de leur jeune garçon vint les voir. Le petit garçon le choisi ; lui ; parmi tous les autres : « parce qu’il était trop mignon » avait il dit. Le jeune chiot qu’il était alors ; les aima aussitôt.  Les léchouilles qu’il  administra ce jour là à ces gens, qui pour lui, n’étaient encore que des inconnus ; en font foi. Les chiens sont comme ça ; ils donnent sans rien attendre en retour et font directement confiance à l’être humain. Jamais vous ne verrez un chiot demander des garanties sur sa vie future : de savoir quel sera son  statut au sein de sa nouvelle famille et quelles seront ses conditions de vie, jamais. Les chiens aiment les humains d’un amour inconditionnel. C’est au cour de cette première visite faite par ces inconnus qui devinrent ses maîtres, qu’il démarra une nouvelle vie.

  •  Le jeune chiot qu’il était alors ; pris place sur le siège arrière de la voiture ; surveillé de près par son jeune maitre. Ils roulèrent un peu plus d’une heure puis ils s’arrêtèrent dans une rue étroite d’une petite ville .Tout le monde descendit. Sa nouvelle famille humaine vivait au premier étage d’une grande bâtisse .C’est là qu’il  vivrait dorénavant. L’intérieur de l’appartement était cossu. Au sol, du parquet recouvrait pour ainsi dire toutes les pièces. Dans la cuisine, on pouvait remarquer dans un coin, deux petites gamelles posées sur le carrelage ; à l’intention du nouvel arrivant bien sur! L’appartement était décoré avec gout. Des bibelots étaient alignés sur une petite étagère, de belles statuettes trônaient ici et là,  des plantes vertes habilement  disposées tendaient leurs rameaux vers les sources de lumière que leurs prodiguaient les fenêtres. Quelques tableaux  accrochés au mur attiraient le regard. Un tapis étendu dans le salon occupait une belle surface. On pouvait remarquer également  des rideaux brodés qui tamisaient la lumière venue de l’extérieur. Au premier abord, on pouvait penser qu’il faisait bon vivre ici….  Aussitôt arrivé dans ce lieu, le jeune chiot qu’il était s’empressa de renifler partout et de prendre ses repères. Dans un angle de la salle à manger, il remarqua  un coin qui  avait été spécialement aménagé pour lui : une panière en osier était remplie de vieux coussins .Des jouets de toutes sortes se trouvaient également à l’intérieur .C’est ce lieu qu’il lui fût attribué pour dormir. Il faut constater que son arrivée avait été programmée … Que de changements en si peu de temps ; lui qui était sur la paille se retrouvait d’un coup à vivre une vie de petit prince. D’ailleurs les semaines qui suivirent il n’y en eu que pour lui. On s’inquiétait s’il ne finissait pas sa gamelle. S’il se reposait plutôt que de jouer on crut qu’il fût malade. Si on ne le voyait pas pendant dix minutes, on commençait à s’inquiéter .Et c’était du Flocky par ci (c’est ainsi qu’il fût baptisé) et c’était du Flocky par là …On invita même les amis et la famille proche à venir le découvrir. Et il écoutait son maître parler de lui «  Si vous saviez comme il est gentil ; et puis aussi comme il est intelligent. Il comprend tout ce qu’on lui dit. » Lors de ses premières semaines Flocky dut faire l’apprentissage de cette nouvelle vie qui s’offrait à lui .Il y eu quelques accidents, quelques ratés. Des pipis malencontreux il y en eu .Très vite il comprit que pour ses besoins, c’était à l’extérieur que ça se passait .Ca l’arrangeait bien Flocky car être à l’extérieur il adorait ça !!! Les premiers temps, ses nouveaux maîtres descendaient tous ensemble pour l’accompagner quand ses besoins se faisaient pressants. Il y eu bien aussi quelques pantoufles de déchirées et même une fois une paire de rideau qui passa de vie à trépas. Il était jeune et indiscipliné : on lui pardonna. Les semaines étaient rythmées par le travail de son maître qui partait tôt le matin pour ne revenir que le soir. Sa maîtresse était la plupart du temps à la maison, exceptée quelques  fois ou il apprit à rester seul. C’était le printemps et la fin de semaine, la famille quittait l’appartement pour aller en pique nique. La première fois, avant de partir on enfila à Flocky un collier tout neuf. Il était fait de cuir, de couleur noire et sur la face extérieur en jaune doré il y avait gravé six lettres................................F-L-O-C-K-Y . Qu’est qu’il était beau le Flocky avec son nouveau collier ; je crois bien qu’il était fier de le porter … Flocky monta alors dans la voiture, il trépignait le long de la route ;  impatient qu’il était ; de descendre pour courir en pleine nature. Arrivés sur place, il fallait les voir tous les deux ; lui et son petit maître .L’un courait et l’autre le poursuivait et puis les rôles s’inversaient : le poursuivant devenait poursuivi ; tout ça sous le regard attendri des parents. Le soleil brillait, les oiseaux  chantaient. L’herbe grasse et verte parsemées de quelques taches jaunes de fleurs de pissenlits était le cadre idéal pour se dégourdir les pattes. On courrait, on se roulait dans l’herbe, et enfin exténués par tant d’efforts ; on s’allongeait de tout son long sous le soleil . Un bon bain de soleil qu’est que c’était bon !!! Flocky sentait la chaleur des rayons de l’astre lumineux rentrer en lui. Puis quand  la chaleur devenait brulure, Flocky cherchait un coin  à l’ombre. Parfois la chaise de son maître faisait l’affaire. Il se souvint alors, avec le recul ,que se furent  les meilleurs moments de sa vie .

  •  Les mois passèrent, Flocky grandit. Au fil du temps, on fit moins attention à lui .Son petit maître l’avait quasiment délaissé, préférant ses jeux électroniques. Lui, bien au contraire avait toujours, soit un mouvement de queue, soit un regard, soit une langue qui venait se poser sur l’une de ses mains ou sur sa joue….C’est son maître qui s’était dévoué pour le sortir tous les soirs après le diner .A heure précise, Flocky se tenait devant la porte d’entrée en attendant le signal. Les sorties du weekend se faisait plus rares et le plus souvent,  il devait rester seul dans l’appartement.  Dans ces moments de solitude, il lui arrivait parfois de penser à ses frères et sœurs .Qu’étaient ils devenus ? Quelles vies avaient-ils ? Bien que Flocky ne manquât  de rien et avait tout le confort dont un chien puisse rêver il devait constater que de plus en plus souvent : il s’ennuyait. Elles étaient loin les attentions du début ou il était le centre du monde .Les sorties en pleine nature étaient pratiquement à conjuguer au passé .Seules les sorties hygiéniques lui permettaient encore de quitter cet appartement ou il vivait ; et de se dégourdir un temps soit peu les pattes. Combien de fois l’envie de courir le démangea ? Et le soleil ; ce soleil qui faisait tant de bien à son corps quand il s’allongeait dans les prés, ou était il ? C’est vrai, il regrettait le temps d’avant. Il y repensait maintenant qu’il était seul, là dans cette forêt ... Il était passé en quelques mois du statut de petit prince à celui du grand oublié ….Quand les choses changent ; les comportements vont de pair…Flocky devint plus taciturne, renfermé et aigri. Il avait l’impression maintenant de faire parti du décor de l’appartement. Un peu comme ces plantes vertes que l’on arrose de temps en temps pour les maintenir en vie mais avec lesquelles on a en réalité aucunes relations particulières. Au fil du temps, il avait l’impression de faire parti des meubles… Il se souvint alors de ce jour ou sa famille humaine l’avait laissé, une fois de plus, seul dans l’appartement. Il n’en pouvait plus. Il avait envie de courir. Il s’élança. Il fit d’abord le tour de la table de la cuisine le plus vite possible mais tourner en rond le laissa sur sa faim. Il essaya alors dans le couloir ou il y avait plus de longueur pour prendre de la vitesse. Il fit alors un aller retour, vite fait bien fait, la langue pendante et le regard malicieux. Puis il repartit .Il  revint comme un fou par la salle à manger en évitant de justesse de se cogner dans l’embrasure de la porte, continua sa course dans le coin salon ou il ne put maitriser son virage ; il glissa sur le parquet et finit sa course contre la petite étagère ou étaient soigneusement disposés plusieurs bibelots. Le fracas des pots qui se brisent dans leurs chute mit fin à sa frénésie…Ce soir là, il entendit hurler sa maitresse pour la première fois. Maintenant sa maîtresse l’avait dans le collimateur. Il avait beau essayer de l’amadouer en lui lançant des regards plein de tristesse : elle s’arrangeait toujours pour ne pas croiser le sien. Dégage ! file de là ! va te coucher ! à ta place ! Voilà les mots gentils auxquels il eût droit à la suite de ce malencontreux accident. Après tout ce n’était que quelques babioles qu’il avait cassées involontairement ; mais tout le monde dans cette maison n’avait pas la même interprétation que lui à ce’ sujet…. Il surprit à plusieurs reprises son maître et sa maîtresse élever de la voix le soir lors du diner .C’était inhabituel chez eux .Etait il directement lié à ces invectives entre ses maîtres ?  Etait ce lui le sujet de conversation ? Il n’en savait rien mais dans ces moments là ; mieux valait pour lui, filer doux .C’est ce qu’il faisait en se réfugiant dans sa panière. Plus les mois et les années passaient et plus la situation empirait. Les bêtises étaient directement proportionnelles à son sentiment de mal être, d’abandon et de solitude. ll avait laissé quelques traces de dents sur les pieds de table. Il grattait les pots des plantes, en avait rétréci quelques rameaux , réduisait en charpie ses coussins, il allait même se coucher dans le lit de ses maîtres si par mégarde, ils avaient oublié d’en interdire l’accès. Les bavures étaient nombreuses et il ne se souvenait pas de toutes. Les disputes entre ses maîtres devenaient de plus en plus fréquentes .En était il le responsable ?

  •  Quand on est obligé de se retenir toute la journée pour assouvir ses besoins ; il arrive forcément un moment ou il y a des accidents de parcours .  Le tapis du salon en devint le premier témoin. Sali, souillé comme jamais ; ce soir là Flocky en pris pour son grade .Mais qu’y pouvait il ? Parfois la meilleure des volontés ne suffit pas. Sa maitresse hurla ; son maître laissa faire…

  • Quand son maitre saisi la laisse accrochée au porte manteau ce matin là ; Flocky était déjà devant la porte d’entrée, remuant la queue. C’était un rituel auquel il était habitué depuis longtemps. Il ne lui avait pas fallut bien des semaines pour faire la concordance entre la laisse et la promenade. Etonnamment, pour une fois, ce n’était pas le soir comme à l’accoutumé mais le matin. Il se dit que sans doute ses humains de maitres avaient enfin compris qu’il aspirait à autre chose que d’être enfermé dans cet appartement toute la journée. De toutes façons, quoiqu’ils fassent ou quoiqu’ils disent : il les aimait toujours autant parce qu’il y a entre un chien et ses maitres des liens indéfectibles... Flocky avait vu juste. Au lieu de faire son parcours habituel qui passait par un petit jardin public ou il avait l’habitude de lever la patte et même plus ; cette fois ci, il grimpa dans la voiture. Ca y est, pensa t-il ; on retourne enfin courir dans les prés ; il était temps ! Les années avaient défilé  mais il n’avait rien oublié : l’herbe verte, le soleil, les oiseaux qui chantent …la vie quoi . Au bout d’une demi-heure, la voiture roula plus doucement,  modéra encore son allure pour enfin s’immobiliser sur une petite route en pleine forêt. Inutile de dire à Flocky de descendre quand la porte de la voiture s’ouvrit : il était déjà dans le bois. Son maitre sortit une longe, appela son chien, puis attacha une extrémité  à son collier. Ils franchirent un petit talus puis s’enfoncèrent dans la forêt par une allée bien entretenue. Flocky était aux anges, enfin le grand air, il reniflait et tirait sur la longe ; impatient. Après environ deux cent mètres ; ils s’arrêtèrent. Sans un mot, sans une caresse, sans un regard ; son maitre passa la corde autour d’un arbre, il fit un nœud  et sans même se retourner il s’en alla. Flochy lui emboita le pas mais la corde l’arrêta dans son élan. Dans les premiers instants, Il crut à un jeu. Il arrivait parfois à son maitre de faire ce genre de farce à son chien. Il entendit la voiture démarrer puis accélérer. Le bruit du moteur se fit plus sourd jusqu’à s’évanouir complètement. « Il allait revenir, forcément, » pensa t-il. « Il va bien finir par s’apercevoir qu’il m’a oublié ». Les oreilles dressées, il se mit à l’affut du moindre bruit de moteur. La tension sur la longe se fit plus forte. Il gagna une bonne vingtaine de centimètres sur la longueur. Tout à coup, un bruit de moteur au loin l’interpella. « je savais bien qu’il reviendrait »pensa t-il une nouvelle fois. La voiture passa sur la petite route mais ne s’arrêta pas. Les heures passaient et personne ne venait .L’animal s’impatientait. Il fit les cent pas tout en tirant sur la longe au maximum de ses possibilités. Plusieurs autres voitures passèrent au cour de la journée en lui laissant à chaque fois le même espoir déçu. Flocky se mit à aboyer. Il était rare d’entendre sa voix mais l’anxiété et la peur commençaient à prendre le dessus. D’autant plus qu’irrémédiablement, la luminosité déclinait. Les bruits de la journée s’estompaient. Tout devenait calme comme si la nature retenait son souffle. Il arrive toujours un moment quand l’obscurité s’affirme, que le monde du jour cède la place à celui de la nuit .En ces instants, on croirait que le monde se fige… Le silence peut vite devenir angoissant .Particulièrement quand on se retrouve seul au milieu d’une forêt sans trop savoir pourquoi. Les hurlements du chien solitaire se firent plus forts ; entrecoupés de silences ; propices à l’écoute de son environnement. C’est fou comme la nuit transporte les bruits. C’est également incroyable de constater combien le moindre bruit peut prendre des proportions énormes et surtout inquiétantes dans l’obscurité :une branche qui craque et c’est comme un vieux chêne qui s’écroule. Surtout lorsque l’on a passé sa vie entière à dormir sur les coussins d’une panière d’un appartement douillet ; sans jamais vraiment avoir été confronté au monde de la vie extérieure. Alors en plus quand c’est la nuit….Flocky saisit la corde dans sa gueule, il devait se dégager coute que coute. Il mordit le lien à pleines dents .A plusieurs reprises, il renouvela l’opération. La corde ne céda pas. Sa mâchoire et ses dents n’étaient pas assez puissantes pour en venir à bout. Alors, il tira en arrière, de toutes ses forces il tenta de se dégager. Il ressentit une douleur, il venait de s’entailler la peau à la base des oreilles et en dessous du cou. Le collier était trop serré et la corde trop solide, il n’y avait  rien à faire. Il recommença pourtant .Il était hors de question pour lui  qu’il passa la nuit dehors. A chaque tension, le collier lui entamait un peu plus la chair. Il finit par renoncer. Il faisait grand nuit maintenant. « Ils vont forcément s’apercevoir que je suis absent » pensa t-il. « Ma gamelle restera pleine ; ça va forcément les alerter ». Au fil du temps des heures qui s’égrènent ; les jappements se transformèrent en gémissements,  puis il se tut. Tous ses sens étaient en éveil. Ces instincts naturels reprenaient le dessus ; dans les conditions ou il se trouvait il valait mieux pour lui rester le plus discret possible. Il en allait de sa survie. Il pourrait très bien devenir une proie potentielle c’est ce que lui indiquait son instinct. Tantôt assis, tantôt debout : il vit les heures défiler à la vitesse d’un escargot. Quand les premières lueurs pâles de l’aube arrivèrent, il n’avait pas fermé l’œil. Il fallait bien que le jour revienne pour que l’espoir renaisse. « Il ne pouvait pas venir cette nuit car il n’aurait certainement pas pu me trouver ; mais maintenant tout est possible : il va arriver ». L’animal parlait bien sur de son maitre. Il était soulagé d’avoir vu disparaitre la nuit à laquelle il avait survécu, sans sa panière et ses coussins, sans sa famille humaine qui lui apportait la protection, seul ! Mais dorénavant tout était différent, son maitre serait là dans quelques instants. Il en était convaincu. La vie qui reprenait son cour au milieu de cette forêt le rassura. Le chant des oiseaux ce n’est pourtant pas grand-chose mais il est susceptible d’apporter une certaine forme de réconfort à une âme solitaire. Grace à ces signes de vie, les heures paraissaient moins longues. Mais comme la journée précédente, personne ne vint à son secours. « Peut être était il arrivé quelque chose de fâcheux à mon maitre, qu’il n’avait pas pu se déplacer ? » Songea-t-il. Même quand sa situation personnelle semblait désespérée, il pensait encore au bien être de ses humains de maitres. Pour lui en tout cas, la situation resta figée et il dut affronter une nouvelle nuit dehors, seul. Il avait la gorge sèche, il avait soif. La faim commençait aussi à le tenailler, sans parler de cette douleur dans le cou qui lui rendait le port du collier insupportable. Mais ses douleurs physiques étaient sans commune mesure avec le choc psychologique auquel il était confronté. Plus les jours et les heures passaient et plus il perdait espoir. « Et si ils ne voulaient plus de moi ? Et s’ils m’avaient abandonné ? » Cette pensée lui taraudait l’esprit. Existe-t-il pire sentiment pour un chien que celui d’abandon ? Les heures s’égrenèrent encore et avec elles, apportèrent le doute. Le corps est fort quand l’esprit le sublime, mais si l’esprit doute et déraisonne alors l’organisme devient faible. Le moral au plus bas, assoiffé , affamé et meurtri :Flocky perdit la notion du temps. Depuis combien de jours et de nuits était il attaché à cet arbre, il n’en savait plus rien. Il était maintenant frigorifié. Si le ciel avait été clément jusque là, ce ne fut pas le cas de la dernière nuit qu’il avait du affronter. Elle avait été la plus terrible de toutes. De nombreuses averses s’étaient abattues sur lui et l’avait trempé jusqu’à l’os. Il grelottait. Maintenant, le ciel se dégageait, il aperçu le soleil à travers les branchages. « Ah le soleil, comme j’aimerais l’avoir sur la peau pour qu’il me réchauffe !! ». Le jour était revenu. Il se sentait extrêmement fatigué, ses pattes ne le portaient plus. Flocky s’allongea sur le sol humide. « Quelques heures de repos, et après ils viendront me chercher ». Il ferma les yeux.... Ca y est, il les voyait, ils étaient tous là. Ils courraient vers lui, ils se mirent à genoux en le suppliant de les pardonner de l’avoir traité ainsi. Il sentit une onde de chaleur le submerger. Flocky se levait, leurs léchait les mains et le visage et leurs pardonnait …parce qu’ils étaient sa famille humaine et qu’il les avait toujours aimés…

  • Ce furent ses dernières pensées. …C’était le début du printemps, le soleil brillait, les oiseaux chantaient. Une herbe verte et grasse avait remplacée une végétation grillée par plusieurs mois d’hiver. L’été qui suivit fut chaud et sec. Les derniers jours d’aout virent arriver de lourds nuages noirs qui apportèrent d’importantes précipitations. Début septembre fut également bien arrosé ; puis le beau temps revint.

  • C’est une jeune femme qui le découvrit. Elle ne le remarqua pas tout de suite. Elle s’adonnait à l’un de ses passe- temps favoris : la cueillette des champignons. Elle fut d’abord intriguée par cette place ou aucune végétation n’avait poussé. Puis en s’approchant, elle distingua une corde accrochée à un arbre. En en suivant le fil, elle le vit, quelque peu recouvert de feuilles. En quelques secondes elle comprit le drame qui s’était joué ici. Quel être aussi abject pouvait avoir commis un tel acte ? Car ce n’était pas un accident, la hauteur à laquelle la corde était attachée et le nœud lui-même ne laissaient planer aucun doute. Le sang lui monta à la tête, elle balbutia quelques mots incompréhensibles tout en serrant des points. Un mélange de sentiments de haine et de violence la saisit. Elle agrippa son couteau et d’un geste rageur elle sectionna la corde assassine que Flocky n’avait pu vaincre. Si le ou la propriétaire de ce chien avait été là devant elle à cet instant ; il ou elle aurait gouté à la lame du couteau, elle n’aurait pas hésité.  Elle réfléchit quelques instants, essaya de retrouver son calme. Puis doucement, elle retira le collier du pauvre animal. En l’essuyant, elle y distingua quelques lettres. Elle se releva, pris la corde et le collier à la main et d’un pas vif, elle s’en alla. Deux jours plus tard, elle était de retour. Péniblement, elle creusa un trou à travers les racines. Délicatement, elle y déposa la dépouille puis la recouvrit. A la tête de cette sépulture improvisée, elle planta un piquet et y cloua un écriteau. Elle regagna sa voiture en bord de route. De son coffre, elle en sortit un nouveau piquet qu’elle planta au sommet du talus que Flocky et son maitre avaient franchit quelques mois plus tôt. Puis elle y cloua un nouvel écriteau en forme de panneau directionnel. En deux jours, elle n’avait pas chômé. Elle avait sciée, poncé, peint et verni. Si ce chien était mort de la pire des façons ; alors elle voulut que ça se sache : une sorte d’hommage en quelque sorte. Elle atteint son but. Un aussi joli panneau planté là, en bord de route, au milieu de cette forêt ; on ne voyait que lui. Il faut dire qu’il attirait le regard avec ses six grosses lettres jaune doré. D’accord, la route était peu fréquentée, mais tous ralentissaient, certains s’arrêtaient : interrogatifs. Qui avait installé ce panneau et pourquoi ? Et ces grosses lettres F-L-O-C-K-Y ; que signifiaient elles ? La seule façon de répondre à ces questions était d’emprunter cette allée et d’aller voir. La flèche du panneau indiquait cette direction précisément… Après s’être enfoncé d’environ deux cent mètres dans la forêt, on arrivait à une place totalement libre de végétation. Un peu comme si la nature elle-même voulait contribuer à ce mystère. On ne pouvait ensuite que remarquer ce piquet planté là, ou à son sommet un collier avait été posé et un corde enroulée. Un peu plus bas sur un écriteau verni on pouvait y lire quelques phrases peintes à la main en jaune doré sur fond noir. Les deux panneaux reprenaient les mêmes couleurs ; le choix n’était pas anodin : il reprenait les couleurs du collier à Flocky. « En ce lieu, un chien nommé Flocky a été lâchement abandonné, attaché à un arbre ou il est mort de faim de soif et d’épuisement. Aucun être ne mérite de finir comme ça. Repose en paix Flocky, nous  veillons sur toi ». La nouvelle se répandit, on venait voir et on se demandait qui avait bien pu commettre un tel acte de lâcheté. Des noms circulaient mais jamais on ne retrouva le ou les coupables. Une petite fille à qui l’on avait raconté la triste fin du pauvre Flocky, vint y déposé des fleurs. Une autre personne y planta quelques touffes de muguet

  • Puis les années passèrent. Un jour le panneau en bordure de route  disparut, arraché et volatilisé. La fameuse allée est devenu l’allée Flocky. Jamais rien n’a plus repoussé à l’endroit ou il repose. Enfin si ; j’exagère. Les quelques touffes de muguet s’y sont plu et ont envahi la place. Au printemps, leurs feuilles vertes et drues sortent de terre et donnent de jolis brins. Vous savez, le printemps, quand les oiseaux chantent, que le soleil brille et qu’une herbe verte et grasse……..